Dans les champs de fleurs avec l’artiste Madeleine Provost
Rockaway (Queens, NY)
De son enfance dans le New Jersey, près de New York, Maddie se souvient des baies mûres et autres trouvailles qu’elle ramassait dans le jardin de sa mère pour peindre avec ses doigts. Une première expérience de la couleur puisée dans la nature, suivie plus tard de sa découverte des œuvres expressionnistes de Mark Rothko et Helen Frankenthaler, qui marquent le début de son parcours artistique et de son exploration des pigments végétaux.
Formée à la Parsons School of Design et après une carrière dans la mode, en 2021, Maddie change de vie pour se consacrer à son art et s’installe au bord de l’océan dans la péninsule de Rockaway (Queens). « Après le décès de ma mère des suites d’un cancer, je me suis soudainement réveillée dans ma propre vie et ai réalisé à quel point j’étais loin de moi-même. Obsédée par les champs de couleurs, j’ai compris que je voulais poursuivre mon rêve de devenir artiste peintre et aimais l’idée de pouvoir me réveiller devant la ligne d’horizon et contempler l’immense toile du ciel, avec ses levers et couchers de soleil. »
Attirée par la beauté du paysage de Rockaway, Maddie trouve également sa place au sein d’Edgemere Farm – une ferme urbaine gérée par une équipe de bénévoles, située à deux pas de l’océan. « Je savais que je voulais m’y engager avant même d’emménager ici, c’était même un des facteurs déclencheurs ! ». Né à la suite de l’ouragan Sandy en 2012, ce terrain communal autrefois abandonné fut transformé en un espace luxuriant et productif, afin de permettre aux résidents d’accéder à des aliments frais, nutritifs et abordables dans cette zone désignée comme désert alimentaire par le gouvernement fédéral. Depuis, Edgemere Farm produit et vend non seulement des légumes, des herbes, des œufs, du miel et des fleurs biologiques, mais gère également un dispositif de compostage de déchets organiques, ainsi qu’un programme éducatif.
Après avoir participé à différents travaux à la ferme, cette saison elle a rejoint Louisa dans les champs de fleurs où une grande variété de fleurs à couper est cultivée du début du printemps jusqu’à l’automne. Les compositions florales sont ensuite vendues au stand de la ferme pendant le weekend, ainsi qu’aux restaurants et entreprises locales. « J’adore travailler avec Louisa – qui est un gourou de la floriculture et une amie artiste, et l’écouter parler des fleurs. Elle apprécie les subtilités de chacune d’entre elles et leur attribue caractère et émotion qu’elle exprime dans ses compositions florales, si singulières.»
Rapatriés de la cour de son ancien studio et en attendant de trouver un nouvel espace, son petit jardin de plantes tinctoriales cultivées en pots ponctue temporairement les champs de fleurs de la ferme. Dans la Ligne de culture en feutre, Maddie a regroupé Cosmos, Coreopsis, Anthémis des teinturiers et Souci Hawaïen aux pigments jaune-orangés, tandis qu’une autre jardinière – qu’elle a choisi de la même couleur que le pigment de la plante – déborde de feuilles d’indigo. « Le bleu est l’une des couleurs les plus rares à trouver dans la nature et l’indigo la plante la plus couramment utilisée, mais aussi l’une des plus difficiles à travailler ! »
Travaillant principalement avec des tissus de soie et de coton, Maddie compose des paysages abstraits en utilisant des fleurs fraîches ou séchées, des pelures, des graines, des écorces et autres trésors botaniques dont elle extrait les couleurs grâce à un ensemble de techniques mixant teinture, peinture et impression. « J’ai beaucoup de bocaux remplis de moments de vie – comme des fleurs du mariage de ma meilleure amie, des feuilles de pêcher d’un ami cultivateur et teinturier du Bronx, des trésors du marché aux fleurs de Mexico, des graines de cactus des Andes du désert d’Atacama au Chili. J’aime collectionner et utiliser la couleur comme souvenir. »
Dans un processus créatif en constante évolution, la force de ses compositions tient à son exploration des profils de couleurs des plantes en modifiant leur pH à partir de solutions acides, alcalines ou métalliques. « J’ai développé une technique de peinture avec les modificateurs qui crée des compositions aux tonalités variées au sein d’une même plante. Prenons la tagète clown par exemple – l’une de mes fleurs préférées – elle donne une teinture vert citron vibrante qui une fois peinte passent au orange chaud ou au rose saumon, simplement en jouant avec le pH. »
« Je suis sans cesse charmée par le miracle de la croissance des plantes – les voir pousser à partir d’une graine, lutter, prospérer, frôler la mort mais rebondir – et par la façon dont elles continuent à colorer le monde après la disparition de leur enveloppe physique. La beauté est mystérieuse et nous conduit vers des endroits pour des raisons que nous ignorons, tout comme la beauté de Rockaway m’a conduite ici et je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie. »
Suivez Maddie sur Instagram: @Madprovost
Photographies Valery Rizzo, retrouvez son portrait ici