Jardinier spécialiste des plantes tropicales, Nuno Prates nous a ouvert les portes de son Académie du jardinier lisboète et de son impressionnant jardin tropical, tous deux situés dans le quartier historique du Chiado à Lisbonne. Rencontre avec un grand passionné qui a à cœur de partager son savoir aux curieux de sa ville et de passage !
C’est à Lisbonne, dans le quartier du Chiado, que l’on peut visiter la plus petite bibliothèque au monde. Nichée au rez-de-chaussée d’un immeuble, cette petite loge d’à peine 7m2, abrite depuis 2022 une incroyable collection de livres entièrement dédiés à la botanique. Prénommée Académie du jardinier lisboète, son fondateur Nuno Prates nous ouvre les portes de ce lieu suranné : « C’était autrefois une petite librairie généraliste tenue par un Monsieur qui me faisait assez peur lorsque j’étais enfant ! À son décès, j’ai racheté le lieu afin de partager ma collection de livres sur la botanique avec la ville. »
Sur les étagères qui recouvrent les murs du sol au plafond, des trésors de livres anciens ou récents, en langues portugaise, anglaise ou française. Historiographie du jardin ou du paysage, manuel de jardinage, d’horticulture, de maraîchage, encyclopédies botaniques, etc. « Il y a un peu de tout, mais j’essaie de me spécialiser en botanique tropicale. ». On y découvre notamment une section dédiée aux broméliacées – une famille de plantes qu’il affectionne particulièrement, dont la plus connue et seule comestible est l’ananas – ainsi que d’innombrables ouvrages dédiés aux différents biotopes tropicaux à travers le monde.
Dans une petite pièce voutée située à l’entresol de l’immeuble, nous découvrons également son herbarium tropical : une collection de branches, fruits, feuilles, graines, rapportés de ses voyages ou collectés dans ses jardins à Lisbonne. Un lieu étonnant, dans la pure tradition des cabinets de curiosité du 18e siècle, où plantes exotiques et tropicales rares rapportées d’expéditions botaniques, étaient répertoriées et collectionnées à des fins de mieux appréhender l’histoire naturelle.
Jardinier autodidacte, grand voyageur et collectionneur de tout ce qui a trait à la botanique, Nuno est né à Lisbonne en 1967 dans un pays alors gouverné par le régime dictatorial de Salazar. Du plus loin qu’il se souvienne, sa passion pour les plantes tropicales remonte à l’enfance, avec la lecture de Tarzan qui l’ouvre à un monde exubérant, peuplé d’arbres géants, de lianes et de feuilles surdimensionnées. « Vers mes 9 ans, ma mère m’a offert des catalogues de plantes tropicales originaires du Brésil. J’ai commencé à apprendre leur nom scientifique latin et à en cultiver en intérieur. Et tous les samedis matin, nous nous rendions avec mon père aux serres d’Estufa Fria – le jardin le plus tropical de Lisbonne ! »
Sur les bancs de l’école, Nuno apprend également les contours de l’empire colonial de son pays : Madère, les Açores, le Cap Vert, le Brésil, Goa en Inde, le Mozambique ou l’Angola. Autant de pays et de territoires d’outre-mer peuplés de forêts tropicales, qu’il sillonnera plus tard. D’aventures en voyages, Nuno regagne sa ville, toujours plus inspiré à vouloir y reproduire « des scénarios paysagers de forêts tropicales ». Une passion peu à peu devenue son métier.
« La ville invite à créer des scénarios de nature. »
À quelques rues de L’Académie du jardinier lisboète, Nuno nous fait découvrir sa maison et le jardin qu’il a planté en 2009 sur les fondations d’une ancienne imprimerie. Depuis le haut de la rua da Emenda, on est d’abord saisi par cette gigantesque masse de verdure qui jaillit hors de la façade, où figuier et bougainvillée prennent racine dans le béton du trottoir. « Originaire des régions côtières du Brésil, le bougainvillier est un bon exemple de plante tropicale ayant su s’adapter au climat méditerranéen. »
Passée la porte d’entrée, on pénètre une jungle dense à ciel ouvert plantée d’essences rares originaires des quatre coins du monde. « Dans une forêt humide tropicale, il n’y a pas un coin nu, il y a de la vie partout et c’est ça que je voulais retranscrire. » Tandis que la végétation du patio pousse en pleine terre, l’impressionnante canopée prend racine dans des bacs installés sur la coursive, filtrant ainsi les rayons UV les plus néfastes pour les plantes compagnes du dessous.
« Ce qui m’intéresse c’est l’aspect culturel du jardinage car les plantes exotiques portent en elles l’histoire de leur milieu d’origine, de milliers d’années d’adaptation, mais aussi celle de l’exploration du Nouveau Monde dès le début du XVe siècle, qui donna naissance à la science de la botanique. C’est cet héritage culturel que je cherche à préserver et à transmettre à travers mes jardins et avec L’Académie du jardinier lisboète. »
Si les jardins du paysagiste Burle Marx au Brésil – figure majeure du paysagisme tropical – constituent une indéniable source d’inspiration esthétique, Nuno a quant à lui développé une connaissance empirique des espèces tropicales capables de s’épanouir, ici au Portugal, sans serre pour les protéger du froid. « Lisbonne bénéficie d’une position géographique très favorable : un ensoleillement 260 jours dans l’année et la présence de l’océan Atlantique qui permet aux températures de ne pas chuter en dessous des 3 degrés ; en deçà les plantes tropicales ne pourraient pas survivre en plein air. »
Le jardin de Nuno est autant une leçon de botanique tropicale qu’une invitation à ouvrir notre regard sur cet extraordinaire patrimoine végétal, trop souvent cantonné au statut de « plantes d’intérieur ». Un jardin dans toute sa dimension émotionnelle tant il convoque les sens et reflète l’humanité de celui qui le cultive. Une démonstration insensée de la grandeur qui peut advenir d’un jardin en ville.
Dans ce jardin hors-sol, aucune présence de BACSAC®, hormis celui que nous avons offert à Nuno pour le remercier des longues heures passées à échanger ensemble ; mais à travers ce portrait, c’est toute notre raison d’être qui résonne : La ville est un jardin, cultivons ses moindres recoins.
Pour rencontrer Nuno Prates et visiter L’Académie du jardinier lisboète :